Temps d'attente Tant de vieLe quotidien des migrants
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Extrait
Préface
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Est-ce que j'ai perdu ma mémoire? Est-ce que j'ai fait faux avec l'adresse? Non, je n'ai pas fait faux avec l'adresse.
Est-ce que je suis dans un rêve? Non. La place est changée et les gens sont changés, où est ma maison, ma famille, mes amis, mes voisins? J'ai perdu tout, même mes souvenirs d'enfance... Migrants !
Ce mot sonne presque comme une menace ! Demandeurs d’asile ! Et ces deux-là comme porteurs de tous les dangers ! Il y a maintenant plusieurs années, au début un peu par hasard et ensuite beaucoup par intérêt, j’ai commencé à côtoyer ces « migrants », ces « demandeurs d’asile »… Aujourd’hui face à la tournure délirante dans laquelle s’enfonce le monde et l’Europe sur la question de la migration ; il me semble plus que nécessaire de donner à entendre la voix de ces personnes qui comme n’importe quel être humain sur cette terre, aspire juste à un peu de paix, de sécurité, de dignité et de bienveillance. Ces hommes et ces femmes dont vous allez découvrir les histoires dans ce livre, ont perdu, des frères courageux, des mères aimantes, des enfants joyeux, perdu des maisons douillettes et des jardins fleuris, vu assassiner sous leurs yeux les troupeaux de vaches ou de chèvres qui permettaient leur subsistance, vu se creuser des trous béants sur le sol où ils vivaient pour rechercher, coltan, pétrole, uranium. Et sans même pouvoir se retourner une dernière fois sur le paysage familier de leur petit coin de vie, ils ont été précipités dans le gouffre de l’exil, fait de longues nuits angoissantes et d’interminables journées d’attente désespérées. Au creux de chacun de ces hommes et de chacune de ces femme, se cache une enfance à jamais révolue, se cache les joies du premier amour et les larmes des premières désillusions. Quelque chose, somme toute d’assez banale et que tout un chacun sur cette terre a éprouvé du plus fortuné au plus misérable, du plus instruit au plus ignorant. Mais il s’y cache aussi des tragédies qui ont tout saccagées sur leurs passages. Ceci par contre est beaucoup moins banal et beaucoup d’entre nous avons eu la chance d’en être épargné. Certains de ces hommes, certaines de ces femmes et même certains enfants ont accepté de retraverser les cauchemars de leurs fuites lors des ateliers d’écriture que j’ai animé. Ils ont même poussé le défit jusqu’à batailler avec la langue française. Entre les mots, derrière les points et les virgules, vous allez voir apparaître leur soupir pour le pays perdu et leurs existences brisées, vous allez voir surgir leur courage et leur inébranlable fois en la vie. Je me joins à eux pour vous offrir ces inestimables trésors que sont ces fragments d’existences. Valentine Sergo |